Requiem

En résidence dans une région à forte exploitation forestière, Emmanuel Tussore récupère en déchetteries des lames de scies circulaires. Ces disques dentés servent à débiter des troncs d’arbres. Bois de chauffage, bois domestique, destruction programmée des forêts. Manipulées par l’artiste – chimiste en son atelier, les lames donnent à voir un monde évanescent, vaporeux, dilué. Le support n’est plus l’acier tranchant et mortifère, il s’est métamorphosé. Les scies semblent dériver dans l’espace telles des planètes en mouvement. On y voit le feu, des cratères, des ersatz de roche, des queues de comètes laissant filer des poussières d’étoiles, on assiste à la naissance de l’Univers.

Dans Requiem (série photographique, 2021), les figures révélées par l’oxydation à la surface des lames évoquent ces paysages lointains dévoilés par un télescope. Ils nous renvoient en miroir à notre terre nourricière et protectrice, la terre matrice. Retour à nos origines.

Chaque scie a sa propre vibration, émet un son pur qui évoque des rituels anciens. On songe aux rites chamaniques, aux cérémonies druidiques, à la croisée du visible et de l’invisible. Dans Requiem for a piece of wood (installation et performance, 2019), l’artiste pénètre en maître de cérémonie dans une forêt de lames suspendues aux poutres d’une grange remplie de bois de chauffage.

Dans Etude pour un carillon (sculpture sonore, 2020), il utilise le bois de Iroko, arbre sacré en Afrique. Chaque tintement mécanique du carillon marque le temps horaire, défini par une horloge mère, pourvoyeuse de temps universel.

En dépit de sa transformation, l’outils de découpe originel conserve la mémoire du vivant. On peut y lire en filigrane l’empreinte sinueuse et colorée de l’écorce des arbres. Le projet Requiem s’inscrit dans la démarche constante et singulière de l’artiste, celle d’une recherche plastique pluridisciplinaire hantée par la notion d’effacement et son contraire, la possibilité d’une renaissance.

 

Performance 2019 , 2:55′

Galerie Dohyang Lee